Les acériculteurs visent les terres publiques
ACÉRICULTURE. Le nouveau président des Producteurs et productrices acéricoles du Québec, Luc Goulet, ne s’en cache pas. Il souhaite que l’acériculture ait une place plus importante sur les terres publiques. Ce sera son cheval de bataille au cours des prochains mois.
Il explique que depuis les dernières années, des coupes forestières intenses ont été faites, ce qui empêche certains producteurs d’élargir leur contingent et, dans certains cas, d’assurer une consolidation ou de céder à une relève. Plusieurs dossiers d’expansion ont aussi été refusés, selon ses dires. « Ce que nous demandons, c’est de protéger [l’érable] et de réserver 200 000 hectares de forêts publiques pour des activités durables qui peuvent cohabiter, comme l’acériculture, afin d’assurer son futur pour les 50 prochaines années au moins. Si le gouvernement décide de maintenir sa cible de seulement 24 000 hectares, il fera le choix de sacrifier les érables au profit des coupes de l’industrie forestière. Cela mettra en péril le développement d’une industrie chère aux Québécois », a-t-il ajouté, inquiet.
Selon lui, il est surprenant de voir ce qui n’est pas exploité. « Ça s’en vient plus rare, mais il y a des endroits qui ont été exploités dans le passé qui ne le sont plus aujourd’hui. Il y a eu de l’expansion dans la dernière émission de contingent et certains producteurs viennent de démarrer leur entreprise. »
Selon M. Goulet, il y a une soixante détenteurs de permis d’exploitation sur les terres publiques en Chaudière-Appalaches. « Nous ne sommes pas une région avec un gros potentiel sur les terres publiques, mais on en a. »
S’il a plusieurs dossiers en chantier, celui de l’accès aux terres publiques mobilise beaucoup d’énergie. « Depuis novembre qu’on le pilote. C’est beaucoup de rencontres, de préparation et de consultations avec nos membres. Lorsque la politique et le plan d’action seront établis, nous aurons un gros dossier à mener à bon port. »
Il observe que la règlementation actuelle sur la forêt publique ne tient compte que de l’industrie forestière. « Le reste n’est que de la cohabitation et les différents usages. L’acériculture n’est pas reconnue dans aucune de ces sphères. Les tables GIR sont très décentralisées et aucune directive ministérielle ne dit de privilégier l’acériculture ou encore quel type d’aménagement peut être mis de l’avant dans les peuplements à potentiel acéricole. »
Des philosophies à revoir
Ces tables GIR sont des tables de concertation impliquant les acériculteurs, le ministère de la Forêt, de la Faune et des Parcs (MFFP), le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) et le Conseil de l’industrie forestière du Québec. C’est en novembre dernier où les irritants ont été soulevés. « Le ministère a établi un plan directeur sur lequel chacune des régions a déposé des mémoires. Nous y avons déposé des suggestions. On souhaite voir une harmonisation des usages de la forêt. »
Selon M. Goulet, il y a beaucoup de marchés pour le sapin ou l’épinette, mais pas beaucoup pour les feuillus durs comme l’érable, d’où la nécessité d’une réflexion. « Le seul pour ce type d’essence, c’est la pâte et papier. Pour nous, couper un érable qui rapporte 25 cents du mètre cube, alors que nous paierions davantage pour exploiter l’érable rendrait notre forêt beaucoup plus rentable. Il y a de l’aménagement inévitablement à faire, surtout lorsqu’un peuplement est à maturité, mais il faut qu’il soit fait en fonction du développement de la sève. Pour cela, il faut identifier et protéger les peuplements qui sont là. »
Luc Goulet explique que dans les deux dernières années, avec la politique d’accroissement de production du bois, le Québec a choisi d’augmenter les volumes autant dans le résineux que les feuillus. « L’industrie forestière a organisé ses choses avec le ministère dans le passé. La coupe de bois est devenue financière et les beaux érables de plus de 40 centimètres de diamètre ont été coupés. Beaucoup de peuplements dans la région, sur les terres publiques, auraient un potentiel acéricole, sauf que ça s’en va à la pâte ou au bois de chauffage », déplore-t-il.
« Il y a des gens de la Faune, de la TREMCA, du conseil régional de l’environnement de Chaudière-Appalaches (CRÉCA) et ces gens-là prennent de la place. Quand nous levons la main, nous sommes plus ou moins considérés et nous aimerions protéger certaines parties d’érablières pour que de l’acériculture soit possible. Certaines personnes n’acceptent jamais rien. C’est pourquoi il faut que tout ça soit en harmonie avec les plans directeurs. »
On le sent d’ailleurs très critique à l’endroit du CRÉCA, organisme dont la mission est de voir à la préservation de l’environnement à l’échelle régionale. « Quand un producteur s’installe dans une érablière, les érables sont debout, il y a de l’aménagement qui se fait et on ne détruit rien au niveau faunique. Pour eux, toutes les raisons du monde sont bonnes pour qu’on n’exploite pas la ressource. Ce sont leurs dossiers d’abord et la notion de cohabitation est absente. Le conseil d’administration n’est sûrement pas au fait de tout », selon ses observations.
Réplique du CRÉCA
Mis au parfum des critiques de M. Goulet à son égard, Le CRECA a tenu à réagir, précisant qu’il travaille depuis plus de 30 ans pour favoriser la concertation en environnement en Chaudière-Appalaches. « Nous siégeons présentement sur 25 comités régionaux, incluant sur la Table de gestion intégrée des ressources du territoire (GIRT). Nous y mettons de l’avant des solutions pour protéger l’environnement, et nous les adaptons continuellement afin qu’elles répondent aussi aux préoccupations de nature économique et sociale des autres acteurs de la région », explique la directrice générale de l’organisation Josée Breton.
« La concertation est au cœur de notre mission et je crois que nous accomplissons très bien notre rôle, » affirme Véronique Brochu, presidente du CRECA. « À titre de présidente du conseil d’administration, je tiens également à confirmer que les membres du conseil sont bien informés des orientations soutenues par leurs délégués dans le cadre des comités sur lesquels nous siégeons, incluant sur la Table GIRT. »