Saint-Bernard: le maire suspendu 60 jours
MUNICIPAL. Le maire de Saint-Bernard, Francis Gagné, devra se soumettre à une suspension de 60 jours, ordonnée par la Commission municipale du Québec (CMQ), après avoir plaidé coupable à un manquement qui va à l’encontre du Code d’éthique et de déontologie en matière municipale.
Les faits reprochés au maire Gagné concernent une sablière située sur une propriété de la ferme familiale, mais exploitée par un entrepreneur général qui verse ensuite à l’entreprise du maire une compensation sur ce qui est prélevé sur le site. La loi stipule toutefois que la municipalité ne peut être impliquée dans l’octroi des contrats ayant un lien avec les propriétés d’un élu.
« Même si je ne suis pas l’exploitant, je suis impliqué indirectement, parce que c’est ma propriété. On faisait affaire avant que je sois en politique municipale. La première entente que l’on a signée avec l’entrepreneur date de 2009. Ce sont des ententes à long terme », explique M. Gagné qui entend profiter du conseil municipal de sa localité ce lundi pour illustrer la situation devant ses citoyens.
« Quand j’ai commencé comme conseiller, il y a neuf ans, j’ai suivi une formation sur l’éthique. J’ai possiblement mal interprété ce que voulait dire intérêt pécunier indirect. Je le savais que l’entrepreneur pouvait voir des contrats avec la municipalité et je le déclarais. Sauf que même en le déclarant, et que c’était l’option la moins chère, ce n’était pas correct selon la Commission », ajoute-t-il visiblement déçu, mais résigné lorsque rencontré par le journal.
Il a d’ailleurs suivi une autre formation en éthique après son élection à la mairie à l’automne 2021. C’est à ce moment qu’il a compris qu’il pouvait y avoir un litige. « Il y a eu des questions de posées qui m’ont mis la puce à l’oreille. Ça a été expliqué différemment et là j’ai compris. À partir de ce moment, j’ai expliqué à l’entrepreneur que je ne voulais pas que la matière provienne de ma propriété. »
Il indique avoir plaidé coupable, même s’il avait déjà régularisé la situation. « Je n’avais rien à cacher quand on m’a interrogé à cet effet. Je pensais que nous étions corrects jusqu’à ce que je m’en rende compte à l’été. J’ai une entente verbale avec l’entrepreneur depuis ce moment. On me demande toutefois de l’officialiser par contrat notarié. »
Une épidémie
Les litiges du genre semblent se multiplier depuis quelques mois, ce qui rend le monde municipal inquiet des impacts que cela pourrait avoir sur l’implication des gens dans les petites localités, observe M. Gagné. « Pour certains, c’est un restaurant ou un dépanneur, une station-service où une municipalité ne peut acheter de l’essence si le propriétaire est un élu. Tu dois aller dans un village voisin. Dans mon cas, c’est une sablière. Il y a actuellement beaucoup de causes comme la mienne à travers la province. »
M. Gagné remarque aussi que ces lois entrainent des coûts supplémentaires aux municipalités. « Ma propriété est à Saint-Bernard, sauf que l’entrepreneur devra généralement aller ailleurs pour prélever du matériel, ce qui entrainera des coûts additionnels pour le transport, notamment. Le coût du matériel est à peu près le même partout. »
Selon lui, certains aspects de la loi sont légitimes, mais concernent surtout les localités de plus grande envergure. « Dans nos petits villages, on a toujours besoin des gens qui nous entourent, parce que l’on a moins d’options. Quand on voit ce genre de choses, ça freine des gens à se présenter en politique municipale et ça prive nos municipalités de gens ayant des compétences. Nous sommes à une ère de dire d’acheter local, mais les lois nous amènent à devoir faire le contraire », se désole-t-il.
Ainsi, la CMQ suspend M. Gagné pour une durée de soixante (60) jours, et ce, sans rémunération. Il doit également verser à la Municipalité la somme de trois mille dollars (3 000 $) dans les 30 jours suivant la décision. M. Gagné pourra réintégrer ses fonctions le 4 juin prochain et sera remplacé entretemps par le maire suppléant, Etienne Lemelin.