Résidence permanente: un statut trop difficile à obtenir
IMMIGRATION. Les entreprises de la région ont de plus en plus recours à l’immigration pour combler leurs besoins en main-d’œuvre. Le principal problème avec lequel elles doivent composer se situe surtout du côté des délais interminables pour recevoir ces travailleurs étrangers.
Avocat spécialisé en droit de l’immigration, Maxime Lapointe représente plusieurs entreprises de la région à ce titre. Le territoire, il le connait bien, surtout qu’il a été élevé à Lévis et que sa famille est propriétaire du Marché Tradition de Saint-Damien.
Selon lui, plusieurs mesures pourraient être adoptées pour faciliter le travail des entreprises dans leur recrutement. « C’est compliqué et ça décourage des gens. Dans le programme des travailleurs étrangers temporaires, les entreprises pourraient être préqualifiées pour une certaine durée, ce qui éviterait de redéposer le dossier de l’employeur avec celui de l’employé pendant cette période. »
Il observe qu’il y a un effort dans les milieux pour supporter les entreprises, alors que plusieurs tables de concertation existent. Il y a un effort gouvernemental aussi, sauf qu’il se résume à réparer certaines erreurs du passé. « Il y a eu quelques erreurs faites par la CAQ au cours des dernières années qui ont été réparées. Ils ont maintenant une liste de professions jugées en pénurie, mais ils avaient enlevé tous les métiers reliés à la restauration en 2021, ce qui allongeait les délais. Ils ont remis ces postes en 2022. Est-ce que c’est une bonne nouvelle, oui, mais ce n’est pas une avancée, puisque ce n’est qu’une réparation de quelque chose qui avait été mal fait au départ. »
Il constate aussi que la marge d’erreur est toujours grande pour les entreprises qui recrutent des travailleurs étrangers. « C’est facile de se tromper et les agents préfèrent retourner un dossier incomplet plutôt que de simplement demander les documents manquants. Une entreprise qui décide de placer elle-même une demande dans le programme, le risque de se tromper est à près de 100 % à toutes fins pratiques. »
L’intégration de ces travailleurs est aussi difficile, constate-t-il, car là aussi très complexe, surtout au Québec. « Ça peut devenir un trou sans fond, d’un travailleur à l’autre. Ce ne sont pas les mêmes besoins pour eux une fois arrivés sur le territoire. Il faut s’y prendre d’avance, notamment en matière de logement. »
La rétention, aussi difficile
Retenir ces travailleurs peut aussi devenir une aventure pour un employeur, remarque Me Lapointe. Le Québec est, pour ainsi dire, en compétition avec les autres provinces à ce chapitre. « Un permis de travail se renouvèle facilement, mais la plupart veulent obtenir la résidence permanente et ils sont conscients qu’ils doivent atteindre un niveau de français pour réussir. La rétention est bonne, mais est affectée par le fait que c’est davantage attrayant d’immigrer dans d’autres provinces au Canada, car plus simple. On ne voyait pas ça avant. »
Selon lui, le niveau de français exigé, pour obtenir la résidence permanente, est trop élevé. « La francisation est très difficile pour les gens originaires de certains pays, les Philippines par exemple. Le niveau est trop élevé versus le programme fédéral qui n’exige pas ces conditions-là et on peut se qualifier avec un certain niveau d’anglais.
Avant, au Québec, on pouvait obtenir une expérience de 12 mois et un niveau de français acceptable à l’intérieur de deux ans pour ensuite lancer le processus de résidence permanente. En demandant 24 mois de travaillés, c’est plus long, on arrive à la fin du permis de deux ans et l’employeur devient plus réticent à renouveler. »
Selon lui, les gens qui parlent déjà le français et qui travaillent depuis 12 mois ne devraient pas être inclus dans les seuils d’immigration. « Ça ne sert à rien de les faire attendre. Quand François Legault dit en prendre moins pour en prendre soin, ça ne sert à rien. Ils sont en grande partie intégrés et nous n’avons pas à en prendre soin, ils travaillent et gagnent leur vie. »
Me Lapointe désapprouve le fait que le Québec veuille avoir davantage de pouvoir pour gérer l’immigration. « Le fédéral gère mieux l’immigration que le Québec. Il faut « booster » drastiquement les seuils d’immigration dans le prochain plan 2023 pour « dépomper » les inventaires de dossiers, puis arrimer la sélection par le Québec et l’admission par le fédéral, qu’il y ait moins d’écart entre les deux. »
Selon lui, le Québec a tous les pouvoirs pour gérer son problème, plutôt que de toujours renvoyer la balle au fédéral. « Quand le Québec a des arrérages de 15, 20 ou 30 000 dossiers en attente de résidence permanente par le fédéral, on repousse le problème. Il y a une élection provinciale à l’automne et cet enjeu doit être adressé en priorité. Le gouvernement a dépensé des milliers de dollars en 2018 pour mieux contrôler les « valeurs du Québec », plutôt que de contrôler l’efficacité de traitement des dossiers. La réponse au problème est politique et elle n’existe pas à l’heure actuelle. »
À celles et ceux qui disent qu’il y a peut-être déjà trop d’immigration au Québec, Maxime Lapointe estime qu’il n’en est rien. « Le marché le décidera. Le Québec dicte déjà ses conditions pour la résidence permanente et c’est très contraignant. Il y a une grille de salaire minimum à respecter, donc ce n’est pas du « cheap labour ». Qu’on dise qu’il y a trop d’immigrants qui viennent nous aider pour combler notre pénurie de main-d’œuvre, je ne peux pas être d’accord avec ça. »