Perceuse à plume

ACÉRICULTURE. Les sceptiques seront confondus. Le biologiste du ministère de la Faune est resté très surpris du phénomène des bris causés par des animaux sauvages.

«De ce que je comprends, c’est assez anecdotique comme situation. Je n’ai jamais entendu parler de dommages considérables, répond Jean-François Dumont, biologiste au Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs. C’est tellement un problème peu fréquent que vous avez été informé avant même que le Ministère le soit.»

Voir aussi:  Hausse des bris par les animaux sauvages dans les érablières en 2017 et Prédateurs de tubulures.

Marcel Larochelle, président du syndicat des producteurs acéricoles de Beauce, est d’un avis similaire. Il n’a pas constaté plus de bris en 2017, contrairement à d’autres comme Joël Boutin du Club d’encadrement technique des Appalaches, Denis Lacasse acériculteur d’Honfleur ou Francis Lessard, président du syndicat acéricole Appalaches-Beauce-Lotbinière.

«Je côtoie onze producteurs acéricoles au sein des instances du syndicat. Personne ne s’est plaint de bris plus important cette année.»

Problème ou pas?

Le manque de données fait en sorte qu’il est difficile de chiffrer ou même de connaître l’ampleur du phénomène. «À ce que je sache, il n’y a jamais eu d’étude sur le sujet», ajoute Jean-François Dumont qui n’est pas convaincu que ce soit un véritable problème.

Pourtant Denis Lacasse en a réparé un nombre considérable en 2017. Il soupçonne à preuve avoir été causé par le pic-bois. C’est lors d’une de ces premières inspections de la saison que l’acériculteur Denis Lacasse a réparé les trous de pics-bois. Il est fort possible qu’ils aient été percés au cours des derniers mois. Il n’y a aucune piste aux alentours et aucune marque de mâchoire. Juste un simple petit trou de la grosseur d’une mèche 1/8e de pouce au-dessus de la conduite.

«C’est peu probable que le pic-bois intègre l’eau d’érable à son alimentation. Ce sont des animaux qui ont besoin de protéines, en dépit du fait que certains pics-bois pourraient apprécier lécher la sève», explique Jean-François Dumont.

Alors qu’est-ce qui pourrait amener cet oiseau à picorer la tubulure?

La période des sucres concorde avec celle où le pic-bois délimite son territoire. Il picore les objets bruyants pour signaler à ces congénères les limites de son territoire. «Ils vont frapper la tôle et d’autres objets beaucoup plus bruyants qu’un tuyau de plastique», s’enquiert Jean-François Dumont.

Il y a quelques années les tubulures étaient plus rigides que maintenant. Elles étaient donc plus propices à produire du son. «J’ai gardé un petit échantillon de tubes qui avait été percé par un pic-bois. On dirait qu’ils ont une mèche pour percer ça», montre Marcel Larochelle.

De son côté, Francis Lessard explique que les pics-bois ne sont pas attirés par l’eau d’érable, mais par le son produit par les fuites. «Elles provoquent un petit bruit, un cillement dont le pic-bois pourrait confondre avec celui d’un insecte. On ne voit pas de trous de pics-bois lorsque c’est étanche», explique-t-il.

Solution

L’utilisation d’un leurre ou d’un appelant peut faire des merveilles. Les oiseaux qui ont pris de mauvaises habitudes dans une érablière vont s’enfuir.
«Si c’était un pic-bois, le problème risque de trouver sa solution assez rapidement avec l’utilisation d’un hibou en plastique ou d’un oiseau de proie installé à proximité», conseille Jean-François Dumont.

«On m’a toujours dit que la présence de pic-bois est bon signe. Ça signifie que mon érablière est en santé et j’y crois», conte Denis Lacasse lors d’une visite à son érablière.

Il bifurque au retour d’un en sentier en direction de sa cabane pour me montrer un arbre percé de trou. «C’est un tilleul. Je les garde, car ces arbres permettent d’éviter que les pics-bois s’attaquent aux érables», dit-il.

Est-ce qu’une érablière trop propre pourrait amener le pic-bois à s’attaquer aux érables ou aux tubulures? «Je doute qu’on ait des carences en habitat qui amène le pic-bois à faire ce genre de pratiques. On retrouve dans une érablière un paquet d’arbres moribonds dans lesquels le pic-bois va retrouver sa nourriture», soutient Jean-François Dumont

Autres animaux

Ce n’est pas une pratique courante chez les animaux sauvages que de s’adonner à ce genre de destruction. La tubulure peut être la victime du jeu d’un ourson ou d’un raton laveur.

«C’est la saveur sucrée de la sève qui attire assurément les animaux sauvages. Si ce n’est pas ça, ça pourrait être la saveur de la tubulure elle-même. Il y a un fabricant qui a développé des hausses 5/16e de pouces et les chevreuils avaient pris l’habitude de mâchouiller le polymère qui,  avec la salive, lui donnait un goût sucré, explique Jean-François Dumont. C’était un peu comme un succédané.» Ces tubulures ont finalement été abandonnées avec le temps.

Marcel Larochelle croit qu’effectivement, on a moins de bris ces dernières années. «Ce n’est rien comparé à ce qu’on a connu il y a une douzaine d’années quand les tubulures se faisaient jetées à terre.»

Comme un chiot

Jean-François Dumont croit que les animaux juvéniles peuvent mordiller les tubulures, tel qu’expliqué dans l’article Hausse des bris en 2017. «Les animaux juvéniles, comme n’importe quel autre animal, ont besoin de mordiller pour développer leur dentition. Si en plus l’omnivore retrouve une saveur sucrée à l’intérieur, ça devient encore plus intéressant de briser le tuyau pour lécher l’intérieur. Tous ces éléments sont à considérer dans l’analyse.»

Risque de transmission à d’autres générations?

La transmission de ce comportement est une possibilité à écarter estime le biologiste, car les érabliers assisteraient à une croissance des dommages. Ce qui ne semble pas le cas.