Pas toujours facile, le retour à la vie civile

BEAUCE. Le Jour du Souvenir, souligné chaque année le 11 novembre, a souvent été associé aux deux premières guerres mondiales et dans certains cas, à certains conflits militaires auxquels s’est joint le Canada dans le passé. La commémoration touche également celles et ceux ayant fait partie des Forces armées canadienne avec le temps. Dans bien des cas, le retour à la vie civile est très difficile.

Résident de Scott, Philippe Pomerleau est l’un de ceux pour qui le retour à une vie civile normale est parsemé d’obstacles. Cuisinier au sein des Forces armées canadiennes, élément de la Marine, il a été militaire pendant 22 ans, soit de 1982 à 2004. Il est officiellement retraité de l’armée depuis février dernier.

Son départ forcé des Forces est l’un de ces obstacles. « Ils m’ont libéré puisque j’avais contracté une maladie dans l’armée et que je n’étais plus apte à servir au sein des Forces. Tu dois être en mesure d’être déployé n’importe où, n’importe quand au sein des Forces, ce qui n’était plus mon cas. »

Il doit maintenant vivre avec un diagnostic de coliques ulcéreuses, une maladie des intestins développée pendant son séjour dans l’armée. « C’est une maladie qui est avant tout nerveuse ou psychologique et il y a une médication qui existe, heureusement. Tout le stress que j’ai vécu a provoqué cela. Pour d’autres, ce sera autre chose, mais dans mon cas, c’est comme ça que ça se traduit. »

Même s’il était cuisinier, il devait tout de même se soumettre à tout l’entraînement imposé à un militaire, quel que soit sa fonction ou son rôle au sein des Forces. « Nous sommes militaires avant tout. On doit être capable de répondre à toutes les situations et les règles d’engagement s’appliquent à nous aussi. L’entraînement est conçu pour nous durcir le caractère et c’est très dur », confirme-t-il.

Prêt à tout

Le soldat Pomerleau a toujours été basé à Valcartier pendant son service, sauf quatre ans à Saint-Jean-sur-Richelieu. Il a tout de même été assigné à quelques missions à l’étranger. Haïti en 1997 a possiblement été le fait saillant de sa carrière militaire, alors qu’il a servi près de quatre mois, sur place, à titre de membre des Casques Bleus de l’ONU. « On savait quand nous partions, mais ne savait jamais quand nous pourrions revenir. Ça a été la seule mission majeure que j’ai eue, car à ce moment-là, les missions canadiennes étaient surtout du côté de l’ONU et non de l’OTAN. »

L’homme de 59 ans (dans quelques jours) a toutefois pris part à plusieurs interventions humanitaires de l’armée, notamment lors de la crise d’Oka, celle du verglas et les inondations majeures survenues au Manitoba en 1997. « Des gens pensent que dans l’armée, nous sommes toujours à Valcartier et nous ne faisons rien. C’est loin d’être le cas. C’est de l’entraînement contant, pour être prêt à être déployé, que ce soit pour des missions humanitaires ou militaires. Dans ces cas-ci, nous avons des sous-cuisines de campagne, car nous devons nourrir nos militaires et dans certains cas, des civils. C’est du 7 jours par semaine, le temps que dure la mission. Il faut toujours être prêt à ça. »

Dans ce type d’événements, les militaires passent leurs nuits dans des camps de fortune ou des gymnases, loin du confort habituel. Il avoue avoir trouvé cela exigeant. « C’est dur physiquement et mentalement. Chaque année, on devait faire des séjours dans des bases canadiennes, soit à Wainwright en Alberta ou à Gagetown au Nouveau-Brunswick pendant deux mois et demi, sept jours par semaine. Tu ne vois pas ta famille et les contacts étaient limités. »

Dans l’ombre

On sent un trémolo évident lorsqu’il nous parle de son retour à la vie civile. Il ne l’a pas eu facile et ça ne l’est toujours pas. En plus de toutes ses expériences comme militaire, le fait que son épouse doive composer avec un cancer et suivre un bon nombre de traitements affecte également ses motivations. « J’ai de la difficulté, parce qu’il y a beaucoup de je-m’en-foutisme dans notre société aujourd’hui. Nous, on ne peut pas dire ça. Nous sommes un peu dans l’ombre. J’ai eu quelques emplois depuis et tu commences toujours dans le bas de l’échelle, tu as les tâches les plus plates, c’est démotivant, alors ce que tu as vécu avant te rattrape. »

L’armée lui a toutefois beaucoup appris. « La discipline, l’esprit de corps et plus encore. L’esprit de famille de l’armée est éternel. On a vécu les mêmes choses, on se comprend. Ces choses-là ne sont pas descriptibles pour le civil. Il faut l’avoir vécu pour comprendre tout ce que cela signifie et implique. »

Retournerait-il dans l’armée s’il avait la possibilité de le faire aujourd’hui ? Non ! Referait-il le même choix s’il pouvait retourner au moment où il s’est enrôlé ? Oui ! « Quand je suis entré, j’avais fait trois ans et demi de milice, alors je savais ce que c’était. J’étais un décrocheur et ne savais pas où je m’en allais. Je suis entré dans l’armée pour avoir une vie stable, ce que je cherchais à ce moment-là. »

Pour lui, le Jour du Souvenir est un devoir de mémoire. « Il ne faut pas que ça arrête. Il faut se rappeler de celles et ceux qui sont allés là avant nous, et aussi de celles et ceux qui sont là aujourd’hui. Il y en a des conflits ailleurs aujourd’hui et peut-être que nos militaires seront appelés. Notre présence dans certains pays dans le passé a fait une différence et on doit s’en souvenir. »