Olymel: les producteurs de porcs aux aguets

AGROALIMENTAIRE. Les producteurs de porcs de la région attendent impatiemment de connaitre les intentions de l’entreprise Olymel qui fait face à de graves difficultés financières et qui a récemment annoncé son intention d’abattre un million  de porcs de moins par année dès juin prochain, soit environ 20 % de sa production actuelle.

Dans une récente entrevue accordée à la station d’Arsenal Média à Sainte-Marie, le 1er vice-président d’Olymel, Paul Beauchamps, a confirmé que le contexte difficile actuel, principalement dans la production de porc frais, forcerait l’entreprise à fermer l’un de ses quatre abattoirs. Une décision en ce sens pourrait d’ailleurs être rendue cette semaine, alors qu’une séance du conseil d’administration doit avoir lieu ce mercredi.

Responsable des communications d’Olymel, Richard Vigneault n’a identifié aucun établissement pour fermeture. Il a affirmé qu’une analyse était en cours afin qu’Olymel prenne la meilleure décision possible pour l’avenir de l’entreprise et pour mettre un terme à des pertes qui depuis deux ans atteignent 400 millions de dollars.

La plupart des intervenants politiques et économiques interrogés par le journal sur le sujet ont confirmé que plusieurs discussions sont en cours en coulisse, mais se limitent à être prudents et ne pas vouloir présumer de la décision que rendra l’entreprise

Outre Vallée-Jonction, l’entreprise a aussi des établissements du genre à Yamachiche, Saint-Esprit et Ange-Gardien. La concentration de ses établissements dans l’ouest du Québec en amène plusieurs à estimer qu’il serait impensable que l’abattoir le plus à l’est, Vallée-Jonction, subisse le couperet. Pour d’autres, rien n’est moins sûr.

Les producteurs de porcs de l’ensemble de la province ont dû faire face à plusieurs variables négatives au cours des dernières années et particulièrement au cours des derniers mois. En plus de pertes financières importantes, la filière porcine a dû composer avec le conflit à l’usine de Vallée-Jonction, la hausse des coûts de production, celle des intrants et fertilisants, les coûts énergétiques, le conflit en Ukraine et autres.

Des impacts inévitables

Président des Éleveurs de la Beauce et également président du Conseil canadien du porc, René Roy n’a pas caché son inquiétude face à cette échéance. La concentration de producteurs de porcs dans la région étant importante. La fermeture de l’abattoir de Vallée-Jonction entrainerait inévitablement un changement de logistique important, autant pour l’élevage, la production, mais surtout le transport des animaux, avant et après l’abattage. « Nous avons un lien constant avec Olymel et avons fait nos représentations. Des choses auraient pour moi un non-sens. »

Ses inquiétudes sont d’autant plus lourdes, que peu d’indices transpirent sur la décision que pourrait prendre l’entreprise. « Il est clair que nous sommes inquiets, mais nous n’avons pas de réponses. Ça aurait un impact plus que négatifs sur nos entreprises. Une fermeture aurait des impacts sur plusieurs aspects de l’industrie. C’est quand même un poumon dans notre région. En plus des producteurs, des impacts seraient prévisibles sur un paquet de monde. Tout le monde connait quelqu’un qui travaille à l’abattoir ou fait affaires avec Olymel. »

Les producteurs de porcs estiment avoir fait leur part au cours des derniers mois pour absorber les effets de la crise. Une révision du modèle de la filière semble toutefois inévitable. « Ce qui est clair, c’est que si Olymel va de l’avant avec sa réduction annoncée de 20 à 25 % des abattages, ce sera impossible de pouvoir à un même rythme qu’aujourd’hui. L’offre devra être équivalente à la demande. Si nous étions devant une période temporaire, nous pourrions étudier des alternatives en exportant des porcs ailleurs, un peu comme on l’a fait pendant le conflit de travail à Vallée-Jonction. Ce n’est pas ce qu’Olymel a exprimé, toutefois. »

M. Roy rappelle que l’industrie du porc fait aussi face à une diminution de ses marchés à l’international. « Nous avons développé une filière porcine qui était vouée à produire un produit de qualité pour le Canada, mais aussi d’exportation avec le gouvernement. Le porc n’a pas un historique de marges nous permettant de penser qu’on puisse le transporter sur des centaines de kilomètres à long terme, puis trouver une marge bénéficiaire. Il faut regarder au Québec un modèle où nous avons une offre qui s’ajoute à la demande de nos acheteurs. »

Quant à une diminution possiblement inévitable de la production du porc au Québec, René Roy explique que la chose ne sera pas simple, même si elle devait devenir nécessaire. « Nous demander d’avoir une contraction de notre production du jour au lendemain serait très difficile. Toutes les entreprises en transformation ne sont pas toutes à égalité. Certaines s’en tirent mieux que d’autres. La concentration du marché est clairement problématique, non seulement pour les producteurs du Québec, mais aussi pour la société, car ça amène des déficiences et non une compétition. »