Les paroisses à la croisée des chemins
RELIGION. Près de 120 personnes se sont rassemblées à l’église de Sainte-Marie avant la messe dominicale le dimanche 2 avril dernier, à l’invitation de la communauté chrétienne Sainte-Mère-de-Jésus qui regroupe une dizaine de paroisses.
Les citoyens présents ont pu en apprendre davantage sur les situations problématiques que vivent les différentes communautés, les réparations importantes à venir aux bâtiments et les dépenses majeures inévitables. La rencontre a aussi servi à interpeller la population sur le besoin de personnes pour s’impliquer, notamment dans des activités de financement qui deviendront nécessaires à court terme.
Prêtre-modérateur à la paroisse Sainte-Mère-de-Jésus, l’abbé Armand Bégin indique que différents points ont été abordés lors de la séance. Les faits saillants sont nombreux, mais un élément se distingue, soit le déficit d’opération pour la grande paroisse qui est de 118 000 $, uniquement pour l’année 2022. En additionnant les revenus d’intérêts reliés à différents placements, celui-ci se situe à 88 511 $.
Outre l’inflation et la baisse de fréquentation dans les églises, la diminution de la contribution volontaire annuelle (CVA) est aussi très importante, précise l’abbé Bégin, celle-ci ayant diminué de 64 624 $ au cours des deux dernières années.
« L’année de la pandémie ne nous a pas aidés, c’est certain. Des gens donnaient moins ou ne savaient pas comment le faire. L’habitude semble aussi se perdre avec le temps », raconte l’abbé Bégin de la paroisse qui regroupe la ville de Sainte-Marie, mais aussi Saint-Bernard, Saint-Elzéar, Saint-Isidore, Sainte-Marguerite, Scott et Sainte-Hénédine en Beauce, tout comme Saint-Narcisse, Saint-Patrice et Saint-Sylvestre dans Lotbinière.
L’augmentation des dépenses d’opération fait aussi mal aux fabriques de la région. Pour Sainte-Mère-de-Jésus, elle est de plus de 314 000 $ pour les deux dernières années. « Il y a naturellement l’électricité et le chauffage, mais aussi toutes les choses que l’on doit acheter pour les célébrations et le reste. L’inflation nous frappe aussi », illustre l’abbé Bégin.
C’est ainsi que le déficit anticipé pour 2023 est de 165 226 $. « Ça pourrait être plus élevé naturellement. On a beau essayer de penser à augmenter les revenus et réduire les dépenses coutumières, on sait que beaucoup de nos églises et bâtiments auront besoin de travaux, au cours des prochaines années, qui coûteront des millions de dollars. À Saint-Patrice, le toit de l’église coule. À Sainte-Hénédine, on sait qu’ils ont des difficultés aussi depuis quelques années. Il n’y a que Saint-Bernard, Saint-Sylvestre et Saint-Narcisse qui parviennent à avoir un bilan positif depuis quelques années. »
À Sainte-Marie uniquement, la CVA a recueilli près de 35 000 $ de moins en 2022 que l’année précédente, poursuit-il. « Avec l’addition de nos revenus d’intérêts, on fait un profit, mais le déficit d’opération est tout de même de plus de 10 000 $. Nos prévisions annoncent un déficit de 50 000 $ cette année. Le chauffage du presbytère seulement nous coûte plus de 12 000 $ par année. »
Les coûts du patrimoine
La Paroisse pourrait éventuellement se départir de certains de ses actifs pour renflouer ses coffres. « À Sainte-Marie, la chapelle Sainte-Anne, des gens se sont montrés intéressés, mais c’est en zone inondable. La salle Monseigneur Labrie pourrait peut-être intéresser la ville, puis nous avons une terre où il y a une érablière et qui a une belle valeur marchande », précise l’abbé Bégin.
L’obligation pour les paroisses de respecter les lois en matière de protection du patrimoine risque de coûter très cher à celles souhaitant conserver et restaurer certains de leurs bâtiments, avoue-t-il. « On estime que seulement pour le presbytère ici à Sainte-Marie, c’est au minimum 200 000 $ pour le réparer et le mettre aux normes. Nous n’avons pas encore touché à l’église. On doit changer des fenêtres et ça doit être des fenêtres pareilles, ce qui coûtera plus cher, naturellement. »
La réfection de ces bâtiments connait elle aussi une hausse de coûts exponentielle, ce qui rend la réflexion nécessaire, mais remplie d’incertitudes. « Une colonne à l’extérieur de l’église doit être réparée. Une d’entre-elles avait été réparée en 2003, et ça avait coûté plus de 200 000 $. Nous sommes 20 ans plus tard. C’est une des réparations. Il y aurait aussi un mur qui deviendrait fragile. On pourrait faire comme à Saints-Anges et utiliser un fil d’acier, mais comme c’est un monument historique, est-ce que ça pourra se faire ? C’est à voir », mentionne-t-il.
« Avec les dépenses rencontrées dans une année, le coût d’utilisation de l’église serait de 634,93 $ de l’heure. Pour cela, il faudrait recueillir 6 500 $ par semaine. Les gens sont très généreux, mais ça ne suffit pas. »
La CVA en baisse
La tradition de la collecte annuelle (CVA) se perd également, constate l’abbé Bégin. « C’était dans les mœurs avant. Le sentiment d’appartenance à une communauté est aussi moins fort. La pandémie nous a aussi fait mal au niveau des habitudes des gens. »
Une demande a d’ailleurs été adressée aux citoyens présents à la rencontre pour faire partie de trois comités différents afin de mettre la main à la pâte pour appuyer la paroisse dans ses initiatives. « Personne n’a donné son nom pour un premier comité, deux personnes ont dit oui pour un autre et deux autres personnes pour le troisième. Ce n’est pas beaucoup, sur près de 120 personnes », avoue l’abbé Bégin qui croit que certaines idées sont plus simples à réaliser dans de petites communautés que dans une ville comme Sainte-Marie.
« Il y a déjà plusieurs groupes qui sollicitent pour leurs œuvres. Ça peut être les Chevaliers de Colomb, les Kiwanis, le Richelieu, la Maison de la Famille et d’autres, alors ce n’est pas facile. »
La présentation faite à Sainte-Marie aura également lieu dans les autres communautés de la paroisse dans un avenir rapproché, précise l’abbé Bégin qui indique que les comités locaux seront d’abord sollicités. « On veut faire le portrait de la situation avant de rencontrer les communautés et expliquer à la fois la tendance locale et celle de la paroisse, car la situation n’est pas la même partout. »
Une chose demeure pour l’abbé Bégin : les paroisses sont à la croisée des chemins. « C’était le cas avant, mais on dirait que chez plusieurs, on s’illusionnait et on pensait passer à travers. On n’a peut-être pas pris suffisamment conscience de cet état de fait. La vie des communautés chrétiennes avait changé, mais elle s’est essoufflée davantage pendant la pandémie. Pendant la Covid, certains suivaient les célébrations sur le web et ont continué de le faire. Les mentalités changent aussi. »
Une campagne de financement sera peut-être nécessaire chaque année. « Il faudra trouver des moyens d’aller chercher les gens d’affaires. Ils ne s’impliqueront peut-être pas financièrement nécessairement, mais ils pourraient contribuer autrement. Il faudra aussi restructurer nos dépenses et se départir de ce qui n’est pas essentiel à la mission de l’église. Pour certaines communautés, se départir de son église sera possiblement inévitable, car elles doivent aussi être capables d’exister par elles-mêmes », dit-il en terminant.