Les courageux coureurs d’érables mexicains

ACÉRICULTURE. Beauce Média a rencontré certains des premiers travailleurs étrangers dans le milieu acéricole.

Vêtus d’un habit de neige bleu, le cache-cou monté sur le nez, on aperçoit seulement les yeux de Rodrigo et Rigoberto, rivés sur les chalumeaux qu’ils entaillent.

Les deux jeunes hommes de 28 et 23 ans ont débarqué de l’avion le 11 janvier. Ils venaient de passer deux mois dans leurs familles respectives au Mexique.

Ils sont passés des 20 degrés Celsius de leur région natale d’Oaxaca à une température de 30 sous zéro, à la sortie de l’aéroport.

Le duo était de retour auprès de leur employeur estival Arbovert de Saint-Lambert-de-Lauzon. Cette fois-ci, plutôt que de débroussailler la pépinière de l’entreprise familiale, ils ont été engagés pour la saison des sucres.

Ils s’occuperont autant de l’entaillage, de la cuisson de l’eau d’érable que du scellage des barils.

«Je leur ai déjà fait goûter au sirop d’érable et ils m’ont dit qu’ils aimaient bien ça», raconte Billy Labrecque de chez Arbovert.

Apprentissage requis

L’entaillage des érables requiert une certaine technique afin d’assurer un bon écoulement de l’eau dans la tubulure. C’est pourquoi environ trois jours ont été nécessaires pour leur inculquer la bonne manière d’entailler.

«C’est sûr qu’i y a la barrière de la langue, explique Billy Labrecque. Mais c’est fou ce qu’on peut faire avec des gestes et quelques mots. Ils comprennent très vite.» Arbovert espère remployer les mêmes travailleurs afin d’éviter de les reformer tous les ans.

Les avantages de cette main-d’œuvre

Les deux Mexicains vivent dans la cabane à sucre, qui a tout d’une maison moderne, à Saint-Pierre-de-Broughton. Deux autres employés québécois s’ajoutent à l’équipe. Ils ont besoin d’un peu plus d’un mois pour entailler les 32 000 érables de la propriété.

En additionnant le prêt de la voiture, l’équipement de travail et le billet d’avion, Arborvert calcule que faire venir ces travailleurs de l’extérieur du pays lui revient à une charge supplémentaire de 3$ de l’heure. Ce montant s’ajoute au salaire minimum du Québec de 11,75$ de l’heure.

Billy Labrecque n’a que de bons mots pour Rigoberto et Rodrigo. Il continue à les superviser en vérifiant de temps à autre la qualité du travail.

«Il devient plus difficile de trouver de bons et fiables travailleurs. Il y en a qui demandent des salaires de 20 à 25$ de l’heure, quelque chose que je ne peux me permettre», montre M. Labrecque. Pour lui, la nationalité de son employé n’a pas d’importance. Il n’y a que la qualité du travail qui compte.

Rigueurs de l’hiver

Rigoberto Jimenez Vasquez et Rodrigo Santiago Ruiz étaient pleinement conscients de ce qui les attendait comme travail extérieur en hiver. À les voir marcher en raquette d’un érable à l’autre, ils ont l’air de s’accommoder du froid. «¿Tienes frío?» (as-tu froid) leur demande-t-on. Les deux hommes baissent leur cache-cou et répondent à la négative en souriant.

«Lorsque l’on recrute [à l’étranger], nos partenaires reçoivent les exigences liées aux tâches qu’ils devront accomplir. Les travailleurs sont mis au courant», avise Sophie Plante, Conseillère en ressources humaines auprès d’Arimé. L’entreprise de Saint-Isidore a aidé à recruter Rigoberto et Rodrigo.

C’est la première fois qu’Arimé fait venir des travailleurs temporaires pour le domaine acéricole. Le manque de main-d’oeuvre de ce secteur est comparable à celui de l’agriculture.

Il n’existe pas de référent culturel au sirop d’érable. C’est pourquoi on a expliqué aux deux hommes qu’ils devront s’occuper d’arbres qui produisent du miel.

Ce travail n’est pas pour tout le monde. L’oncle de Billy Labrecque a lui aussi engagé quatre travailleurs étrangers pour son érablière. L’un d’entre eux est cependant retourné au Mexique, peu de temps après son arrivée. D’avoir connu Rodrigo et Rigoberto cet été, Arbovert était plus à même de prendre une décision sur leur venue éventuelle cet hiver.