Le fragile bon voisinage des motoneiges hors-pistes

LOISIRS. La multiplication des motoneiges hors-pistes et le manque d’infrastructure pour pratiquer cette activité causent de plus en plus de frictions avec les propriétaires de terres beauceronnes.

Comme le dit si bien le conducteur de surfaceuse Vincent Drouin: «le droit de passage, c’est entre les deux piquets. Ce n’est pas pour la grandeur du clos.»
Dans sa courte vidéo vue par plus de 45 000 personnes en deux jours, le résident de Saint-Elzéar met le doigt sur un problème croissant. Les ski-doos sont plus nombreux à quitter les sentiers balisés pour s’amuser dans la neige folle. «On a de la misère avec nos droits de passages, on respecte ça les boys», ajoute-t-il dans sa chronique du motoneigiste.

Vincent Drouin n’en est pas à sa première vidéo. Il a produit cet été des chroniques «ça sent la marde» afin de sensibiliser le public à l’épandage du fumier dans les champs. Il espère créer un meilleur voisinage. «Il y en a qui vont le comprendre et d’autres que ça va passer 100 pieds par-dessus leur tête. Il y en a toujours un ou deux de colons et c’est tout le monde qui paye pour ça. Ça doit être pas mal toujours les mêmes», croit-il.

Plus nombreuses les hors-pistes

Selon la Fédération des Clubs motoneigistes du Québec (FCMQ), on observe une tendance à l’achat de motoneiges hybrides et hors-pistes. «On parle de 30% des motoneiges vendus mondialement sont hybrides et un autre 30% de motoneige hors-pistes», dit Michel Garneau gestionnaire du développement stratégique et des relations externes à la FCMQ. «Ça ne date pas d’hier, mais avec les capacités plus grandes des motoneiges. On voit [plus de friction] que par le passé.»

Deux droits de passage perdus en 2017

Le club Motoneige Beauce-Frontenac a perdu un droit de passage à Saint-Frédéric et le Club Chasse & Pêche Sainte-Marie en a perdu un à Saints-Anges. Bien que ces deux pertes ne soient pas liées à la présence des motoneiges hors sentiers, elles montrent la fragilité du bon voisinage entre les usagers et les propriétaires.
Les clubs doivent souvent engager plusieurs milliers de dollars et des centaines d’heures de bénévolat pour aménager une bifurcation lorsque leur droit de passage est révoqué.

Infrastructures insuffisantes

M. Garneau de la FCMQ avoue d’emblée que les infrastructures actuelles sont insuffisantes pour la pratique de la motoneige de montagne ou hors-sentiers. La Fédération travaille sur des initiatives pour répondre à la demande. «On a du chemin à faire pour identifier des lieux et les développer. Ça revient à la communauté motoneigiste, mais aussi au gouvernement de trouver des endroits pour pratiquer ce loisir en sécurité et dans le respect de l’environnement et des propriétaires terriens», explique-t-il.

Le Parc national des Monts-Valins et la Réserve faunique des Chic-Chocs sont deux lieux de prédilection pour le hors-piste au Québec. En Chaudière-Appalaches, les motoneigistes se rendent parfois au parc régional du Massif du Sud, mais on nous indique que ce n’est pas autorisé.

Une notion de respect

Nous avons parlé à un agriculteur de la région pour connaître l’autre côté de la médaille. Tout repose sur une notion de respect pour lui. «C’est difficile de quantifier le dommage que ça peut faire. Je leur laisse passer sans frais. Ça serait la moindre des choses que de rester dans la piste», a-t-il dit. L’agriculteur n’envisage pas de révoquer le droit de passage, car il sait que cela ferait mal aux commerces et aux dépanneurs de sa municipalité. L’épaisseur de la neige est nécessaire pour ne pas briser les plantations et les champs.

Réjean Perreault, propriétaire de la Base de plein air de Vallée-Jonction, a constaté que 40% des motoneiges qui passent chez lui sont des hors-pistes. Il avoue que le voisinage est plus difficile ces dernières années.

«Les compagnies de motoneiges ont décidé de vendre des hors-pistes. Les jeunes aiment ça, mais ils ont causé ce problème-là», explique Gabriel Rhéaume, président du Club Chasse & Pêche. M. Rhéaume tient à remercier les propriétaires de terres qui permettent au Club de passer.

Vincent Drouin