Gestion de l’offre: Maxime Bernier passe de défenseur à pourfendeur

OTTAWA — Après avoir promis de défendre bec et ongles le système de gestion de l’offre «par solidarité ministérielle», Maxime Bernier a confirmé qu’il changeait son fusil d’épaule

Le candidat à la direction du Parti conservateur du Canada (PCC) a été catégorique, mardi: ce système «totalement injuste» et «inefficace» qui régit les productions de lait, d’oeufs et de volaille devrait être graduellement aboli.

La gestion de l’offre «maintient des prix artificiellement élevés (…) par le contrôle de la production, l’interdiction des importations et la fixation des prix par des bureaucrates», a-t-il exposé en conférence de presse à Ottawa.

Alors qu’il était ministre d’État à l’Agriculture, M. Bernier avait promis à des producteurs en colère venus le visiter à son bureau de circonscription, en juillet dernier, qu’Ottawa protégerait intégralement le système de gestion de l’offre dans le cadre du Partenariat transpacifique (PTP).

Mais voilà, cette position était — et demeure — celle du PCC, et «comme député et ministre au sein d’un gouvernement qui appuie la gestion de l’offre, je n’étais pas en position de remettre en question la décision du parti ou (de trahir) la solidarité ministérielle», a plaidé M. Bernier.

«Lors de la négociation des ententes de libre-échange, le Canada a toujours mis l’accent sur la protection des secteurs couverts par la gestion de l’offre plutôt que sur l’ouverture des marchés pour les autres produits agricoles», a-t-il déploré.

«Nous limitons le développement de milliers d’autres entreprises agricoles à travers le pays en empêchant la création de milliers d’emplois afin de satisfaire un petit — mais puissant — lobby», a ajouté celui qui se revendique de la mouvance libertarienne.

Le député de Beauce propose de suivre le modèle australien en éliminant graduellement le système, sur une période de cinq à dix ans. La compensation de «la pleine valeur des quotas» se chiffrerait, selon l’élu, à un montant oscillant entre 18 et 28 milliards $.

À terme, au lieu de débourser 2,6 milliards $ par année «à la suite de la fixation des prix au-dessus du prix du marché mondial», les contribuables canadiens subventionneraient l’industrie à hauteur d’environ 10 millions annuellement, a évalué Maxime Bernier.

L’abolition intégrale du système canadien de la gestion de l’offre menacerait de 4500 à 6000 fermes et pourrait faire disparaître jusqu’à 24 000 emplois directs au pays, selon une nouvelle étude commandée par Agropur, dont les résultats ont été rendus publics en juillet dernier.

Le Québec, qui compte quelque 5900 des 11 960 fermes laitières au pays, serait parmi les provinces les plus touchées, d’après l’étude.

Oui, «il y a certaines fermes qui vont devoir fermer, ça va être leur choix», a laissé tomber M. Bernier lorsqu’on lui a demandé quel impact aurait sa proposition sur l’industrie.

«Mais je peux vous dire que si on regarde le modèle australien, il y a peu de fermes qui ont fermé. Plusieurs fermes ont profité de l’occasion de pouvoir exporter leur produit», a-t-il fait valoir.

La position de Maxime Bernier fait déjà des mécontents au sein du caucus conservateur du Québec, dont les députés Gérard Deltell et Luc Berthold.

«Avis: avec mes prod(ucteurs) laitiers, je n’appuierai pas un candidat qui se prononce contre la gestion de l’offre. Point», a écrit sur Twitter M. Berthold, qui représente la circonscription de Mégantic—L’Érable.

Mais pour leur collègue Bernier, les conservateurs doivent tenir «un vrai débat» sur la question plutôt que de «maintenir le tabou» l’entourant.

Et si cela lui coûte des appuis au Québec, soit.

«Il y a toujours un risque, lorsqu’on prend des positions fermes, de principe, qui à court terme risquent de créer une certaine distorsion. Mais à long terme, ça va être bon pour l’ensemble de l’économie canadienne», a-t-il insisté.

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Mélanie Marquis, La Presse Canadienne