Une hausse des faillites est inévitable

ÉCONOMIE. Si les économistes s’entendaient pour dire, il y a encore quelques semaines, que la réouverture de l’économie, la fin des aides gouvernementales, l’impôt, la hausse des taux d’intérêt et l’inflation allaient causer de mauvaises surprises aux entrepreneurs et éventuellement au citoyen, les effets négatifs de la situation actuelle ne se font toujours pas sentir, mais ça ne saurait tarder, estime Stéphane Gauvin, syndic de faillite chez Raymond Chabot Grant Thornton.

« Pour l’instant, c’est assez stable chez les individus. On le sent davantage chez les entreprises. Tous les ingrédients sont là pour que ça survienne. Le taux d’endettement est à 186 % chez les Canadiens, l’inflation, la flambée du coût de l’essence, et autres vont finir par provoquer quelque chose, c’est inévitable. Le marché actuel est à environ 60 % de nos volumes habituels. Les facteurs et les ingrédients sont là pour sentir une relance des demandes au cours des prochains mois », résume M. Gauvin.

Ce dernier a l’impression que les gens ont modifié leurs habitudes de consommation avec la pandémie, ce qui retarde possiblement l’échéance. « Le télétravail a amené un peu moins de transport et de dépenses reliées au travail. Il est sûr que le balancier va revenir à un moment ou un autre. À quel moment ? on ne sait pas. On n’a pas de boule de cristal, mais en janvier et février, on sentait une augmentation du nombre de consultations, en avril, c’était plus tranquille. Il y a beaucoup de fluctuations ce qui rend tout ça difficile à prédire. Avec la montée des taux d’intérêt, il risque d’y avoir des résidences sur le marché éventuellement. »

Chaudière-Appalaches étant composée davantage de petites entreprises et de travailleur autonome que les autres régions du Québec, la situation peut paraitre plus périlleuse, selon M. Gauvin. « Plus l’entreprise est petite, plus elle risque d’être affectée rapidement par la hausse du carburant, la rareté ou le prix des pièces chez les transporteurs, la rareté de la main-d’œuvre dans d’autres cas. Il y a aussi eu beaucoup de prêts consentis par les gouvernements qui sont maintenant échus et les administrateurs de ces entreprises n’avaient pas nécessairement prévu cela dans leur budget. Ils se rendent comptent qu’un bon montant est consacré à la dette, ce qui amène une crise de liquidités chez certains. C’est le temps de revoir ses prévisions. »

Il rappelle que les entreprises qui n’étaient pas fortes avant la pandémie ne le sont pas davantage aujourd’hui. « La majorité a été sur le respirateur, sauf que le contexte les a aidés un certain temps. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. La pénurie de main-d’œuvre s’ajoute à cela. Le faible taux de chômage et la hausse des salaires à certains endroits peut avoir influencé certaines choses. »

Quant à la pression sur le budget des individus, M. Gauvin pense qu’il y aura inévitablement une hausse des faillites personnelles dans un avenir pas si lointain. « On remarque aussi que les gens semblent plus en mesure de faire des propositions de règlement, les taux atteignant des niveaux jusqu’à 60 % par moment. Les gens pellettent par en avant. Les gens, en moyenne, sont endettés à 186 % de leur revenu aujourd’hui. Ce taux était à 170 % il y a deux ans, donc il n’a pas cessé d’augmenter. Le fait que la consommation a changé atténue sa hausse, heureusement. Tout est interrelié. Les gens y pensent deux fois avant d’aller au restaurant, de planifier des vacances d’une certaine nature ou d’autres projets, ce qui a un impact sur le cycle économique. »