Du soutien psychosocial pour les producteurs agricoles

AGRICULTURE. Depuis quelques années, l’organisme Au cœur des familles agricoles offre aux producteurs et productrices agricoles de plusieurs régions au Québec un service d’aide psychosociale dispensé par des travailleurs ou travailleuses de rang.

En Chaudière-Appalaches, deux ressources occupent cette fonction et tentent, avec les moyens dont elles disposent, de soutenir ceux et celles qui en font la demande.

Native de Sainte-Justine et détentrice d’une formation en travail social, -Alexandra -Lapointe est travailleuse sociale depuis 2018 et c’est en novembre 2020 qu’elle a fait le saut en tant que travailleuse de rang. Elle peut compter depuis sur le soutien de sa collègue Lysa-Pier -Bolduc, originaire de Saint-Pierre-de-Broughton, qui est en poste depuis mai 2022, mais œuvrait dans le Centre-du-Québec auparavant.

« On reçoit à l’occasion notre collègue du Bas-Saint-Laurent qui se rend dans Montmagny-L’Islet. Les demandes viennent surtout de Bellechasse, de la Beauce et de Lotbinière, où il y a plus de fermes », indique -Mme Lapierre qui souligne qu’aider les autres fait partie de son ADN et celui de sa collègue.

« Lysa-Pier et moi avons étudié en relation d’aide. Nous avons, toutes les deux, été travailleuses sociales avant d’être travailleuses de rang. Nous aimons aider les gens, leur offrir du soutien et on en a fait un métier », indique Mme Lapointe qui rappelle qu’elle et Lysa-Pier Bolduc sont toutes les deux issues des milieux rural et agricole, ce qui leur a permis de développer rapidement une sensibilité envers cette clientèle.

« Lysa-Pier a été élevée sur une ferme laitière, alors que ma famille œuvre dans les domaines forestier et acéricole. Nous savons ce que cela signifie de vivre en ruralité et d’agriculture, d’être parfois loin des services. Les valeurs et la culture sont différentes en régions, ce qui fait que nous sommes plus au fait des problématiques que les gens peuvent rencontrer ainsi que les enjeux qui peuvent influencer le développement des entreprises agricoles », précise-t-elle.

Rencontres gratuites à la ferme

En tant que travailleuses de rangs, les deux intervenantes offrent gratuitement du soutien psychosocial, émotionnel et psychologique aux producteurs et productrices agricoles qui en ont besoin.

« C’est comme aller voir un travailleur social au CLSC, à la différence que nous nous rendons directement chez les gens. Les personnes œuvrant en agriculture ont souvent peu de temps pour cela et encore moins pour se déplacer pour des rencontres de 60 à 90 minutes par semaine », précise Mme Lapointe qui mentionne que les problématiques rencontrées sont nombreuses et diversifiées.

« On a des personnes qui vivent des problèmes de stress, de dépression ou d’affirmation de soi. On a des gens qui font face à des remises en question professionnelles, qui se demandent si elles doivent demeurer en agriculture ou vendre leur ferme. On fait aussi de l’intervention auprès de la famille et des couples, pas juste sur une base individuelle », poursuit-elle en rappelant que les problèmes de communication et de conflits au niveau familial sont, la plupart du temps, relationnelles et se situent entre la relève (les enfants) et les cédants (parents) lors du processus de transfert des fermes.

Si les travailleuses de rang se rendent directement à domicile ou sur la ferme, Alexandra Lapointe précise que cela peut aussi se faire à distance, notamment l’été et lors des récoltes. « Cela peut alors se faire par téléphone, FaceTime ou visioconférence. Nous offrons un service flexible et on s’adapte à la réalité de chacun. Il y a des gens que l’on va rencontrer une seule fois et d’autres que nous verrons sur une base régulière pendant un an », précise la travailleuse de rang.

Économie difficile

Outre les problèmes personnels et professionnels, ou encore les remises en question citées précédemment, Alexandra Lapointe mentionne que les problèmes financiers ou liés à la main-d’œuvre sont des éléments de stress supplémentaires pour les producteurs agricoles et qu’elles le voient sur une base régulière. S’ajoutent l’inflation et la hausse des prix au niveau des intrants, comme l’achat de grains.

« Tout cela amène du stress et de l’anxiété, des dépressions et des idées suicidaires. Selon les enjeux socioéconomiques et politiques, notamment lors de la pandémie, il y a certains types de production qui ont été plus durement touchés que d’autres. Les grèves chez Olymel ou Exceldor ont entraîné bien des pertes financières.

Clientèle de tous les âges

Alexandra Lapointe mentionne qu’elle rencontre des clients de tous les groupes d’âge, bien qu’une majorité d’entre eux soient dans la quarantaine.

» On a autant des jeunes dans la vingtaine ou la trentaine qui démarrent dans le domaine que des gens plus âgés, surtout ceux dans la soixantaine qui sont plus difficiles à aller chercher, car ce n’est pas dans leur mentalité d’aller chercher de l’aide professionnelle. Ils pensent que c’est un signe de faiblesse et de vulnérabilité, surtout chez les hommes, de demander de l’aide alors que ce n’est pas le cas. Nous sommes là pour leur rappeler que ce n’est pas un signe de faiblesse, mais de courage quand vient le temps de demander de l’aide psychologique. »