Dix-sept ans à attendre internet haute vitesse

TÉLÉCOMMUNICATION. Judith Poulin craint de perdre son emploi ou d’être obligé de prendre un local au village si le service ne s’améliore pas.

Quand elle a effectué son retour en Beauce en 2001, après 16 ans d’absence, Judith Poulin s’est assuré qu’elle aurait accès à internet haute vitesse à sa résidence. «Je les ai appelés de Toronto, avant d’arriver. On m’a assuré que je serais branché dans trois à six mois», explique-t-elle.

Dix-sept ans plus tard, cette promesse est restée lettre morte. Sa maison de la route Calway n’est toujours pas connectée à un service internet haute vitesse suffisant pour son travail.

Sa facture s’élève à 175$ par mois pour 22 gigabits de données. «C’est seulement parce que je les appelle au moins une fois par mois qu’ils m’en ont donné 22, avant j’en avais juste 15», explique-t-elle.

Un développement éclectique

Ce n’est pas comme si la maison de Mme Poulin est située au beau milieu de la forêt. Elle habite avec son conjoint à environ deux kilomètres de la route 173.

Deux antennes de téléphonie mobiles Rogers se trouvent à proximité, mais elles sont inaccessibles pour l’internet. Un câble de Vidéotron passe devant chez elle pour aller rejoindre l’autoroute 73. Selon ce qu’elle explique, il sert uniquement aux communications des patrouilleurs de la Sûreté du Québec (SQ).

Pour la télévision, elle doit faire affaire avec Bell. «Ils aimeraient me donner le service, mais dans mon secteur ce n’est pas possible», dit Mme. Poulin. Cette dernière réalité s’explique par un découpage des territoires entre les divers fournisseurs de téléphonie mobile et internet.

Judith Poulin a auparavant tenté l’expérience avec Xplornet, mais la qualité du signal était pire. Le seul service internet auquel elle a accès est celui de TELUS, par l’entremise d’une antenne (micro-ondes) située dans la partie urbaine de Saint-Joseph-de-Beauce. Son lieu de résidence se trouve malheureusement en dehors de la couverture de cette dernière.

Une profession à la maison

Mme Poulin est une employée de Travelport, une compagnie de distribution basée à Atlanta. Son travail consiste à s’occuper du système informatique de ventes de billets d’avion. Elle doit régulièrement assister à des vidéoconférences en direct qui durent 2h30. La limite de sa bande passante ne lui permet d’en suivre que deux par mois. Son travail se fait de plus en plus avec internet et la communication avec la fonction «voice over IP» (téléphonie par internet) est généralisée. «Parfois, je n’ai pas le choix. Je dois me rendre au village travailler chez ma sœur», montre-t-elle.

Lors d’une rencontre de vente récente, les dirigeants de Travelport ont estimé que d’ici cinq ans 80% de la population commandera ses billets par internet.

À bout de souffle

«Je me sens abandonné. Tu te bas pour faire changer les choses, mais là ça fait 17 ans. Je serais prête à payer moitié/moitié avec TELUS pour être connecté. Je ne veux pas perdre ma job. Je ne suis pas la seule qui habite en région», avoue-t-elle. C’est aussi une question d’équité. Elle se demande pourquoi le milieu rural ne pourrait pas avoir le même service qu’au village.

Petit espoir

Une soixantaine de foyers seraient répartis dans les rangs entre la ville de Saint-Joseph-de-Beauce et Beauceville. Le projet lancé par Sogetel, en partenariat avec la MRC Robert-Cliche, pourrait parvenir à connecter adéquatement ces dernières maisons (Voir l’article: «À quand un meilleur accès à internet dans les rangs de la Beauce?»)

«Ils ont été là où c’était le plus payant. Ils n’ont pas développé passé le village», a dit le directeur général de Saint-Joseph-de-Beauce, Alain Landry. «C’est tout le temps une question d’argent», ajoute le conjoint de Mme Poulin.

Réponse de TELUS

«Soyez assurés que nous travaillons toujours en esprit de collaboration avec les municipalités. Au sujet de Mme Poulin, nous sommes désolés de la réception qui semble, selon vos informations, déficiente et lui conseillons de communiquer directement avec notre service à la clientèle» a répondu par courriel François Gaboury des relations médias de TELUS.

Dans un communiqué du 22 mars, l’entreprise de télécommunication fait valoir ses investissements récents en Chaudière-Appalaches. Un montant de 21 millions de dollars permettra d’étendre son réseau de fibres optiques dans 20 municipalités des MRC de Beauce-Sartigan, Bellechasse et Lotbinière. TELUS affirme avoir investi 34 M$ dans la région depuis 2014.

Communiqué Chaudière Appalaches v Pour publication.

La maison de Mme Poulin sur la route Calway.