Suicide chez les hommes: il faut changer son approche de l’écoute

Les préjugés sont tenaces. L’homme, vu comme un être pourvoyeur et indépendant, n’étale pas ses échecs sur la place publique. Ses idées noires s’expriment le plus souvent par le biais de la colère. Un signe que le besoin d’aide est bien réel, mais qu’on ne voit pas toujours, considère Daniel Beaulieu, travailleur social.

Intervenant auprès de l’organisme CHOC (Carrefour d’hommes en changement) à Laval, Daniel Beaulieu précise : « Les intervenants ont été formés pour entendre la détresse des femmes. Or, il faut adapter nos façons d’écouter.» Si les larmes attirent la compassion, l’irritabilité ne la suscite pas. Et les hommes ne pleurent pas.

Qui plus est, ils font porter leur fardeau sur les autres : leur conjointe, le patron, les enfants, la société…. Ce n’est pas de leur faute à eux si ça va mal et qu’ils font face aux situations qui, le plus souvent, conduisent au mal de vivre : une séparation, la perte d’emploi, la consommation d’alcool et de drogue, la rupture de lien avec les enfants ou toutes autres circonstances entraînant la honte.

Les autres doivent intervenir

Au Québec, le suicide touche les hommes dans une proportion de 80 %. Les plus vulnérables se retrouvent dans la tranche des 35-49 ans.

Comment aider les hommes? D’abord, il faut reléguer les stéréotypes aux oubliettes. L’homme doit avoir posé un geste pas correct pour en arriver au suicide. C’est ce que plusieurs ont tendance à penser alors que pour la femme, on pardonne. On dit comprendre son geste.

«Nous sommes biaisés dans notre perception », dit Daniel Beaulieu, l’invité de la Chambre de commerce et d’industrie de Saint-Joseph le 16 décembre dernier. Imaginer que la demande d’aide doit venir de la personne concernée, il faut bannir cela, estime-t-il.

Chaque individu qui constate des problèmes chez un autre peut d’abord l’inviter à demander du soutien en amenant le sujet de façon positive. « On lui dira, par exemple, qu’il sera plus performant, qu’il reprendra le contrôle de sa vie s’il veut bien discuter avec un professionnel. Il ne faut pas lui faire valoir qu’il est bon à rien », dit M. Beaulieu.

Aussi, il ne faut pas hésiter à faire état des idées suicidaires de quelqu’un à un organisme. « On le contactera. Le pire, c’est qu’il nous ferme la ligne au nez. À la suite d’une alerte, on s’aperçoit toutefois que 95 % des gens contactés acceptent de s’ouvrir. »