La pitoune à Robert

Ouf! C’est le soupir qu’a poussé Robert il y a quelques jours. Oui, en ce beau vendredi, la cloche avait enfin sonné. Ses vacances d’été lui permettraient de goûter au plaisir de la pêche, de quelques soupers BBQ et d’une petite virée tant qu’à y être.

La semaine précédente, Robert avait justement appelé Gérard, un de ses bons vieux amis au Lac-Saint-Jean, pour lui faire part qu’il irait faire un tour chez eux.

– Vendredi, je tombe en vacances pour deux semaines, avait-il annoncé.

Son copain avait bien ri car il savait  que Philippe, leur pote français, serait, bien sûr, de la partie et qu’il y aurait sans doute des discussions fort animées.

-Au fait, lui avait fait remarquer son ami, tu m’as bien dit que tu tombais en vacances? Tu répèteras cela mot pour mot à Philippe.

Cette expression largement favorisée par les Québécois, quelle image créerait-elle dans l’esprit de Philippe? Un peu de confusion, peut-être?

L’année précédente d’ailleurs, Robert qui aimait bien parler de sa terre à bois  avait raconté tous les travaux qu’il avait faits. Après avoir fait des éclaircies, il avait coupé et «jalé»  de l’érable et du bouleau pour le transporter dans son shed en prévision de l’hiver.

Le temps lui avait aussi permis de réaliser d’autres tâches. C’est ainsi qu’il avait réussi à placer sa pitoune sur le bord du chemin. Son acheteur n’aurait qu’à la quérir.

Philippe qui n’était aucunement familier avec l’univers de la forêt avait trouvé Robert fort disgracieux. Voilà un aspect de sa personnalité qu’il ne connaissait pas. Mettre  une fille en vente en bordure de route! Cela dépassait tout entendement.

Philippe était demeuré bouche bée quelques minutes, mais il avait finalement laissé sa colère exploser.

-Comment peux-tu oser, Robert? Tu n’as aucun respect pour les gens. Les femmes surtout à ce que j’entends.

-Moi, manquer de respect envers les femmes? Où t’as pêché ça?

-J’ai n’ai rien inventé, moi. C’est toi avec tes vantardises.

-Voyons! J’ai juste dit que j’avais coupé du bois. Je ne me suis pas pété les bretelles, il me semble.

Gérard savourait particulièrement ces mésententes linguistiques. Il avait laissé les deux amis s’entredéchirer un peu. Robert parlait de billots de bois de quatre pieds. Philippe, lui, avait compris qu’il s’agissait  d’une belle jeune fille. Il ne savait pas que la pitoune, c’était aussi un produit de la forêt.

Avant que la discussion tourne vraiment au vinaigre, Gérard avait fourni les explications voulues en précisant les sens figuré et propre du fameux mot.

-Il va falloir que tu apprennes ton français, avait lancé Robert en fixant Philippe d’un œil narquois.

-Disons plutôt que tu voudrais que j’apprenne mon québécois, avait rétorqué l’ami.