Environnement au Québec: améliorations, reculs et manque de données

MONTRÉAL — Malgré certaines améliorations, la santé de l’environnement demeure préoccupante au Québec et les données solides qui permettraient de prendre la pleine mesure de la situation font défaut, prévient la deuxième édition des Indicateurs du bien-être au Québec, qui a été dévoilée mardi.

Dans l’ensemble, peut-on lire dans le document, le Québec a enregistré une tendance positive au sein des trois piliers étudiés, soit l’économie, la société et l’environnement. La progression de la province est même jugée supérieure à celle de l’Ontario et du Canada dans les mêmes domaines.

Mais dans les trois juridictions, précise-t-on, «le pilier environnemental demeure préoccupant par rapport aux défis que nous pose la lutte aux changements climatiques».

«On peut voir que la situation économique et sociale s’améliore, mais que le bilan environnemental est très préoccupant, a commenté la directrice générale d’Équiterre, Colleen Thorpe. Et je vous dirais que dans une situation d’urgence climatique et de l’effondrement du vivant, c’est plus que préoccupant. C’est nécessaire de s’y adresser.»

Les Indicateurs du bien-être au Québec ont été compilés par le collectif G15+, dont fait partie Équiterre et qui rassemble aussi notamment le Conseil du patronat du Québec, la Fédération des chambres de commerce du Québec, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, Fondaction et la Fondation David Suzuki.

Le collectif souligne que «le Québec reste encore bien loin des cibles gouvernementales, notamment en ce qui a trait à la réduction des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2020».

De plus, un déficit majeur de données environnementales limite «notre capacité à réaliser un diagnostic complet et robuste à la prise de décisions», précise-t-on. On cite à titre d’exemple un déclin accéléré de la biodiversité qui inquiète les spécialistes à travers le monde, mais pour lequel on ne dispose pas de données solides au Québec.

Cela étant dit, on note une progression dans quatre des 15 indicateurs environnementaux mesurés, une situation identique à celle de l’Ontario et du Canada. Parmi les autres indicateurs au Québec, cinq sont restés stables ou inchangés, quatre n’ont qu’une seule donnée ne permettant pas l’évaluation de leur progression, et deux se sont détériorés.

Quatre améliorations

Les quatre indicateurs ayant connu une amélioration au Québec englobent les thèmes de l’utilisation des terres et de l’eau, précise le rapport. On souligne par exemple que le pourcentage d’aires protégées au Québec a plus que quadruplé entre 2002 et 2021, pour atteindre 16,3 % en 2021, et que la province accuse une diminution de l’eau potable distribuée par personne d’environ 16 % depuis 2011. Ces deux indicateurs se sont aussi améliorés en Ontario et au Canada.

Toutefois, dit Mme Thorpe, on ne dispose pas de données fiables concernant «l’artificialisation des sols», ce qui permettrait de relativiser ces progrès apparents en ce qui concerne les aires protégées par rapport à l’étalement urbain.

Au chapitre des bonnes nouvelles, on souligne que le Québec se distingue des deux autres juridictions par l’augmentation, depuis 1996, de sa consommation d’énergie renouvelable. Et depuis 2007, le Québec fait mieux que le Canada et l’Ontario en ce qui concerne la part du PIB qui est consacrée aux produits environnementaux et aux technologies propres.

En revanche, «la qualité de l’air s’est détériorée et la réduction des émissions totales de GES depuis 1990 est marginale», dit le document, qui constate une situation similaire dans les deux autres juridictions. La réduction des gaz à effet de serre n’a été que de 1,1 % entre 1990 et 2019, souligne-t-on, alors que le gouvernement du Québec visait une diminution de 20 % pendant cette période.

Si la diminution se chiffre à 9,8 % entre 1990 et 2020, ajoute-t-on, ce recul «était grandement attribuable à la pandémie mondiale de COVID-19, et (…) remontera très vraisemblablement en 2021, une fois les données officielles publiées».

Le Québec aura donc fort à faire pour accélérer le rythme de réduction de l’empreinte carbone sur son territoire et pour atteindre sa cible de 2030, soit une diminution de 37,5 % des émissions de GES à partir du niveau de 1990, prévient le rapport.

«On a beau s’améliorer sur certains aspects du bien-être, si on n’a pas un air respirable, on ne fait pas de progrès», a souligné Colleen Thorpe, d’Équiterre.

Tout comme le Québec, l’Ontario peine à réduire ses émissions de GES, tandis que le Canada a augmenté les siennes de 13 % entre 1990 et 2020, ajoute-t-on. «En outre, la qualité de l’air des trois juridictions s’est détériorée entre 24 et 35 % sur vingt ans, ce qui implique des effets néfastes sur la santé de la population», dit le document.

Au cours des dernières années, a ajouté Mme Thorpe, on a mis beaucoup d’emphase sur la collecte de données concernant les GES, mais il n’en va pas de même pour d’autres facettes de la situation environnementale.

On dispose depuis peu de données concernant la circularité de l’économie, a-t-elle dit, c’est-à-dire, à quel point les éléments extraits de la terre vont retourner dans l’économie et à quel point on réutilise les matières extraites. Toutes intéressantes soient-elles, ces données montrent que le Québec a encore «beaucoup de croûtes à manger».

«Il y a seulement 3 % de notre économie qui est circulaire, a souligné Mme Thorpe. On souhaite voir la cueillette de ces données-là qui vont nous donner un portrait plus complet et faire que le gouvernement aura une vue d’ensemble pour l’élaboration de politiques publiques.»